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Et si les réfugiés respectaient aussi la neutralité ?

Comme plusieurs autres pays d’Europe, la Suisse a récemment été marquée par d’importantes violences entre partisans et opposants au pouvoir en place en Érythrée. L’importation de clivages étrangers est-elle compatible avec nos valeurs ?

« Chaos à Opfikon dans le canton de Zurich ». Ainsi débute l’article que Blick a récemment consacré aux violents affrontements qui ont opposé deux factions de la diaspora érythréenne, lors d’un « festival culturel ». Résultat de cette bagarre géante : cinq personnes légèrement blessées et sept plus gravement. Trois Érythréens dans la vingtaine ont été arrêtés, précise le titre en ligne. Des violences similaires ont eu lieu dans d’autres pays d’accueil, toujours dans des contextes d’événements censés célébrer la culture de cette nation de l’Afrique de l’Est.

Un service qui fait fuir

Pour comprendre l’origine de ces tensions, voici un bref rappel : depuis une guerre de frontières avec l’Éthiopie entre 1998 et 2000, tous les Érythréens sont tenus d’accomplir un « service national » de durée illimitée, dans un domaine civil ou militaire, sans perspective d’en être libérés. Si le service national a été mis en place en 1995, à la suite de l’indépendance du pays, les règles actuelles concernant sa durée ont été instaurées en 2002. Le régime d’Isaias Afewerki est accusé de sanctionner les familles des personnes qui tentent de se soustraire à cet engagement, notamment en fuyant vers l’Europe.  

Le pouvoir en place est-il autocratique et dictatorial ? Il n’appartient pas à une association comme Pro Suisse d’en décider. L’on peut toutefois s’étonner que des membres de la diaspora érythréenne, partagés entre deux vagues migratoires distinctes, tiennent autant à importer des conflits qui ne concernent qu’eux dans les pays où ils refont leur vie. La situation pose en outre une question de pure logique : comment peut-on avoir quitté un pays comme réfugié, et se battre pour son dirigeant – en place depuis trente ans  – depuis l’étranger ? Il y a là, sur le strict plan du respect du pays d’accueil, une contradiction formelle.

La formule forte d’Oskar Freysinger

Fière de sa neutralité, la Suisse ne peut pas tolérer que son sol devienne le lieu d’affrontements entre opposants politiques de pays étrangers. Les ressortissants helvétiques, de leur côté, ne sont-ils pas astreints à la plus extrême pudeur en ce qui concerne leurs sympathies dans des conflits qui ne regardent pas la Confédération ? 

Encore plus choquant pour notre souveraineté : comment la Suisse peut-elle tolérer l’impôt de 2% sur leur revenu, appelé « taxe de reconstruction », que doivent payer les Érythréens pour qu’un voyage furtif (afin de ne pas entrainer une révocation de l’asile) ou un retour au pays soit possible ?

Interrogé par nos soins, l’ancien conseiller nation et conseiller d’Etat valaisan Oskar Freysinger résume la situation d’une phrase définitive : « A quoi bon exporter la paix, si c‘est pour importer la guerre ! ». Il n’est pas de tradition d’accueil digne de ce nom sans enseignement de nos principes fondamentaux.

La neutralité, c’est aussi pour les migrants.


¹ https://www.blick.ch/fr/news/suisse/bagarre-geante-a-zurich-les-violences-entre-erythreens-se-multiplient-en-suisse-et-en-europe-id18909918.html

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