La presse est unanime : Trump a déclenché la guerre ! Non pas celle des armes, qui sévit malheureusement d’une région à l’autre du globe, mais celle des taxes. Oui, l’Europe est en guerre et les médias n’ont de cesse de nous le rappeler depuis des mois. Récemment, la rédactrice en chef du Temps, Madeleine von Holzen, s’indignait par exemple d’un « épisode de plus de la téléréalité Trump » à propos des droits de douane de 30 % identiques pour tous les pays de l’Union européenne annoncés le 12 juillet. De passage dans l’émission Forum, sur la RTS, elle décortiquait ainsi une « lettre de menace » adressée à Bruxelles dans un style très « puéril ».
À Pro Suisse, il ne nous appartient pas de prendre position pour ou contre Trump. Mais une question s’impose : si les relations entre l’Union européenne et le président américain sont si catastrophiques, cela ne devrait-il pas inciter la Suisse à poursuivre son petit bonhomme de chemin sans se soumettre à notre voisin ? Interpellée, Madeleine von Holzen nous a répondu, toujours dans le cadre de Forum : « En réalité, la Suisse risque aussi, si elle se retrouve seule, et avec une situation plus favorable que l’Union européenne, de subir des mesures (de la part de cette dernière). » Pour la responsable du quotidien, notre pays ne peut donc pas faire cavalier seul car « il exporte dans l’Union européenne de manière très importante ». La taille modeste de la Confédération, a-t-elle encore expliqué, implique un besoin accru de cadre de droit international.
Des chiffres occultés
Edric Speckert, expert dans le domaine financier, n’est guère convaincu par ce plaidoyer. Membre du comité de campagne de Pro Suisse, il rappelle des réalités économiques largement occultées dans le débat politique : « Nous enregistrons 24 milliards de déficit commercial face aux pays de l’UE. Nous sommes donc largement clients de l’UE. » Et le spécialiste de poursuivre : « Les 24 milliards ne représentent que les biens, sans prendre en compte les services. Trump utilise la même approche et considère uniquement la balance commerciale des biens. Si on calcule ainsi, la Suisse a un excédent commercial avec les USA de 39 milliards, et Trump n’apprécie guère cela. » Aura-t-il donc, comme le redoutent beaucoup, une politique aussi dure envers la Suisse qu’envers notre envahissant voisin ? Difficile à dire, sachant que Trump veut avant tout protéger sa classe moyenne. Reste que sa sympathie naturelle pour un pays de droite et farouchement indépendant comme le nôtre pourrait limiter la casse, espère-t-il.
L’Europe aussi se sert chez nous
Mais au-delà des flux commerciaux, Edric Speckert met aussi en lumière un autre pan des relations économiques transfrontalières, souvent oublié : « Nous offrons du travail à 400’000 frontaliers européens, cela fait 40 milliards de CHF de masse salariale chaque année, tout de même, qui quitte la Suisse. » Autant dire que si nous avons besoin de rapports apaisés avec l’Europe, cette dernière profite tout autant – et volontiers – du succès de notre économie.
Étrange romance, en résumé, à laquelle on nous pousse : un voisin que nous devrions embrasser à grands coups d’accords de soumission longtemps tenus secrets, mais qui menace à tout moment de se retourner contre nous si nous poursuivons nos propres intérêts face aux États-Unis…
En matière d’amourette CH-UE, le consentement a visiblement ses limites.