Immage: Le Conseil communal de Lausanne
Quatrième ville de Suisse, Lausanne fait face à des soucis dignes du pays des merveilles, au vu du PV de la séance de son Conseil communal du 7 novembre. Postulat « pour une suppression de l’annonce systématique du genre » dans ses documents, « pour une meilleure prise en charge des personnes transgenres et (…) non-binaires par la police municipale » ou enfin « pour combattre la pénurie de logement pour les oiseaux en ville »…
La Capitale Olympique est peut-être gangrénée par l’endettement et la toxicomanie, mais rien n’empêchera ses élus de débattre de causes toutes plus étrangères les unes que les autres aux préoccupations de ses habitants.
Un cran plus loin
Lors de cette riche séance, une série de résolutions venues d’Ensemble à Gauche (EàG) a repoussé encore plus loin les limites du bon sens, cette fois à propos du conflit Israël-Gaza. La première réclamait que la Municipalité « appelle à la fin des bombardements et des violences, qu’elle se prononce publiquement en faveur d’un cessez-le-feu, du respect du droit international, notamment des Conventions de Genève. » Largement acceptée, cette demande était pourtant totalement déconnectée de la réalité du champ d’action de l’exécutif d’une ville vaudoise.
Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Elle était encore accompagnée de trois exigences du même acabit : que la Ville – lourdement endettée on le rappelle – « consente à un don financier auprès d’organisations actives sur le terrain », mais aussi, relate le Blick, qu’elle s’engage pour « la constitution d’un réseau international de Villes pour la fin des violences sur les populations palestiniennes de Gaza, pour la fin de la colonisation en Cisjordanie et pour la reconnaissance d’un État palestinien ». Dernier vœu de l’extrême-gauche, également accepté : activer l’Union des villes suisses pour faire pression sur le Conseil fédéral, critiqué pour avoir coupé momentanément les vivres à plusieurs organisations soupçonnées de manquer d’impartialité dans le conflit. Peu importe, du reste, que lesdites organisations se trouvent tant du côté israélien que palestinien…
Sur son blog hébergé par le magazine Le Peuple, la militante laïque Nadine Richon ne décolère pas : « Ensemble à Gauche a bricolé quatre résolutions prétentieuses et faussement humanitaires, du moment qu’elles ne se concentrent pas exclusivement sur la cessation des bombardements meurtriers et qu’elles ne mentionnent jamais le Hamas pour ce qu’il est : un poison autant pour les Israéliens que pour les Palestiniens. Je pourrais citer Manon Zecca (NDRL l’élue d’EàG qui a pris la parole la première) mais ils s’y sont mis à plusieurs pour flinguer lourdement Israël, sans le moindre mot de soutien envers le peuple juif en Israël et en diaspora. » Et la Lausannoise d’observer enfin : « Le plus triste reste, à mes yeux, l’état de distraction de bon nombre de Conseillers communaux, femmes et hommes symboliquement pris en otage au point de voter les quatre résolutions, avec quelques refus et de pauvres abstentions. »
Parmi les rares sceptiques se trouvaient Valentin Christe, chef de groupe UDC. « Cela fait un moment que le Conseil communal et certains de ses représentants jouent aux grenouilles qui veulent se faire plus grosses que le bœuf. Trop souvent, ces personnes se servent du Législatif comme d’une plateforme servant à faire leur autopromotion sur des sujets qui outrepassent largement les compétences de notre assemblée. Quand il s’agit de politique fédérale, je peux à la rigueur le comprendre encore un peu, mais je me souviens par exemple d’un débat homérique sur les migrants qui se noient dans la Méditerranée. Ce sont des enjeux qui échappent largement à la compétence de la Municipalité. » S’il comprend que bon nombre de ses collègues nourrissent des ambitions plus hautes que le « remplacement des tuyaux », il appelle à revenir sur terre. D’autant plus que les mêmes qui demandent à la Ville de s’impliquer dans l’aide au Proche-Orient ne manqueront pas de déplorer le peu de moyens accordés aux sans-abris à Lausanne même. Et de résumer en une phrase lapidaire : « Si on se trouvait déjà au jardin d’Eden, on pourrait s’occuper des problèmes des autres. »
Reste que depuis l’attaque du Hamas contre Israël, le 7 octobre dernier, diverses manifestations de solidarité avec l’État hébreux ont également eu lieu en Suisse, comme la projection de son drapeau sur la célèbre horloge Zytglogge. L’élu lausannois se montre-t-il aussi sévère avec ce type d’actions ? « Oui, cela m’agace de voir des conflits étrangers s’importer chez nous, que ce soit celui-là où l’opposition entre Turcs et Kurdes, par exemple. » Loin des grandes déclarations inefficaces et prétentieuses, Valentin Christe appelle à renouer avec une philosophie qui a fait la spécificité de la Suisse dans le cortège des nations : « Refuser les injonctions à la condamnation », « refuser le conformisme » et proposer une politique de bons offices d’autant plus efficace qu’elle n’aura pas été sabotée en amont par des prises de positions unilatérales.
Pas certain néanmoins que cet appel sera suivi au-delà de sa formation politique. Quelques jours plus tard, seule l’UDC Vaud refusait de signer une déclaration condamnant le racisme dans le contexte des retombées de la guerre au Proche-Orient…
Raphaël Pomey