Le dernier sondage Tamedia a un délicat parfum d’ironie : la relation avec Bruxelles, continuellement vendue comme un élixir de stabilité et prospérité, est désormais citée comme l’une des principales sources d’angoisse dans le pays. Quarante-deux pour cent des sondés considèrent en effet ce thème comme l’un des problèmes les plus urgents à résoudre. Une progression de plus de dix points en un an, qui propulse l’Europe sur le podium des préoccupations fédérales, juste derrière la santé et l’immigration. Bref : si l’Europe est une promesse de tranquillité, elle a la particularité de faire plus transpirer que dormir.
Alors sans surprise, la santé reste numéro un, avec sept personnes sur dix qui n’en peuvent plus de voir leurs primes exploser sans qu’aucune solution politique sérieuse ne se dessine. C’est un peu le Spotify helvétique : on paye plus cher chaque année mais pour entendre toujours les mêmes refrains. L’immigration, en revanche, bondit, y compris dans des familles politiques qui l’ignoraient jusqu’ici : près d’un Suisse sur deux la place désormais parmi ses priorités.
La délicieuse revanche du réel
Et voilà l’Europe, installée en troisième position. Non pas comme horizon radieux, mais comme problème brûlant. Le contraste est saisissant avec les discours extatiques qu’on nous sert à la louche, où l’on apprend un mois sur deux que « les Suisses veulent l’Europe ». Apparemment, les Suisses veulent surtout qu’on se débrouille avec cette question sans vendre leur souveraineté ni sacrifier leur prospérité. Car surprise, lorsqu’on demande aux citoyens quel parti est le plus crédible pour traiter la relation avec l’Union européenne, c’est l’UDC qui arrive en tête. Comme quoi, même dans un karaoké forcé, certains préfèrent encore choisir leur chanson.
Le baromètre électoral enfonce le clou : l’UDC flirte avec les 30 % d’intentions de vote, le PS plafonne, les Verts reculent, et le PLR risque de céder son deuxième siège au Conseil fédéral au profit du Centre. Autrement dit, plus le dossier européen inquiète, plus les Suisses se tournent vers ceux qui promettent de défendre leur indépendance. Ou, dit autrement : plus le jukebox pro-UE s’acharne à passer le même disque rayé, plus les Suisses se mettent à chercher le bouton « stop ».
Avec une telle claque, on ne voit plus qu’un musicien pour composer l’hymne des Europhiles : DJ Bobo.