Au début du mois de mars, le Conseil national a adopté une déclaration sur la défense, portée aussi bien par la gauche pacifiste que par les libéraux « réalistes ». Un pas de plus vers l’abandon de la neutralité suisse et de nos principes. Pour ses signataires, il s’agit d’« inciter le Conseil fédéral à intensifier la coopération en matière de politique de sécurité avec l’Europe », explique la RTS. Ce que cela signifie concrètement, nul ne le sait, mais l’intention est claire. Et au vu des gesticulations de certains voisins cherchant à s’improviser chefs de guerre, il n’est pas certain que la Suisse ait quoi que ce soit à y gagner.
Une coalition pour le moins étrange : d’un côté, un élu comme Fabien Fivaz, écologiste neuchâtelois et membre de la Commission de la politique de sécurité du Conseil national. Proche des milieux antimilitaristes – rappelons qu’il est coprésident de CIVIVA, la fédération suisse du service civil –, le voilà devenu l’un des promoteurs d’une intégration militaire accrue avec l’Europe. Un antimilitariste qui nous pousse dans les bras des derniers des Mohicans à vouloir que la guerre s’enlise à l’Est : fascinant retournement.
De l’autre, le PLR cherche à se donner des airs de grand défenseur de la souveraineté helvétique en multipliant les postures martiales. Dans un communiqué du 6 mars, il radote « les partisans de Poutine de l’UDC » (sic), tout en s’acharnant contre l’initiative sur la neutralité, qu’il accuse de vouloir « enfermer » le pays dans un « corset extrêmement rigide ». Mieux vaut, sans doute, une dépendance servile aux arsenaux étrangers sous prétexte de « réalisme »…
Cette alliance contre nature entre pacifistes de façade et libéraux opportunistes redessine le paysage stratégique du pays. Il faut s’y opposer, non par sympathie pour Moscou, ni pour Kiev ou Washington, mais par attachement à la Suisse et à sa tradition de neutralité armée.
Face aux rodomontades de droite ou d’extrême gauche, il ne s’agit plus seulement de défendre la neutralité. Il s’agit d’empêcher la soumission.
– Raphaël Pomey