L’attractivité de notre pays découle-t-elle du refus de la bureaucratie européenne ? C’est en tout cas la conviction de Marcel Erni, cofondateur de Partners Group AG et force vive de l’initiative Boussole.
De Raphaël Pomey
Nous sommes à l’hôtel Beau-Rivage, à Neuchâtel, ce lundi 7 octobre. Dans un salon bien rempli, différents intervenants (dont l’auteur de ces lignes) se succèdent pour présenter et défendre l’initiative Boussole. Lancée quelques jours plus tôt, cette dernière fait l’objet d’un véritable « road show » à travers la Suisse romande, avec des conférences organisées d’un canton à l’autre pour promouvoir l’autonomie juridique de la Suisse face à l’UE.
En ligne de mire, la crainte d’une reprise automatique d’éléments du droit européen en cas de succès du grand « rabibochage » tant vanté par la caste médiatique entre la Suisse et son puissant voisin. L’initiative Boussole exige que les traités visant une reprise dynamique importante du droit étranger soient soumis à référendum, nécessitant l’accord du peuple et des cantons.
Ce lundi, des députés neuchâtelois de l’UDC, Daniel Berger et Evan Finger, sont intervenus, ainsi que le journaliste et expert François Schaller, combattant de la première heure. Mais un Zougois, inconnu de la plupart des auditeurs, a marqué les esprits. Classé parmi les plus grosses fortunes de Suisse, Marcel Erni est venu plaider sa cause, allant jusqu’à prendre en charge la diffusion des diapositives du copieux PowerPoint élaboré par le comité d’initiative. N’a-t-il pas peur de se créer des inimitiés solides parmi d’autres acteurs de l’économie ? Lui, l’homme de centre droit, risque-t-il de s’attirer les foudres de ceux qui jugent cette lutte suicidaire, comme Economiesuisse ? Dans L’Agefi, le responsable de projets à la Fédération des entreprises suisses, Arnaud Midez, n’hésite pas à affirmer que derrière les slogans « alarmistes et éculés » des partisans de l’initiative, « c’est l’avenir même de la Suisse qui est en péril : ses relations économiques, son modèle de prospérité, tout ce qui a assuré notre succès jusqu’ici. »
Engagé par idéal
Un esprit taquin pourrait retourner l’argument en notant que, depuis 1992, les prédictions alarmistes – qui se sont toutes révélées erronées – provenaient plutôt des défenseurs du rapprochement avec l’UE, mais passons. Marcel Erni, dont le groupe contrôle plus de 90 sociétés réparties dans vingt pays, préfère mettre l’accent sur le large soutien dont son projet bénéficie dans la société. « Il y a de multiples acteurs concernés par notre initiative : les entreprises, bien sûr, mais aussi les personnes attachées à la démocratie directe, les pendulaires, sans oublier les syndicats. Nous avons dans notre comité Gaudenz F. Domenig, qui dirige le groupe Burkhalter, leader des prestations électrotechniques pour bâtiments. Il a 6 000 employés et il est avec nous parce qu’il veut éviter le nivellement des salaires vers le bas. Quand les patrons et les syndicats s’unissent dans un même combat, il y a des raisons d’être optimiste. »
Mais au juste, qu’est-ce qu’un succès des bilatérales III (ndlr : les partisans de l’initiative préfèrent parler d’accord-cadre 2.0) changerait pour Partners Group ? « Pour nous, qui sommes en Europe et en Amérique, cela n’aurait aucune importance. Je m’engage par idéal, sans être membre d’aucun parti. Tout ce que je veux, c’est protéger les droits de notre pays et avoir une discussion factuelle sur les implications d’un alignement sur les règles européennes. »
Quelque chose nous dit que les prochains mois risquent d’être animés sur le front de la défense de l’autonomie suisse.